Roald Dahl

Couverture "Matilda"

Matilda, éd.Gallimard, coll. Folio Junior, 1994 (1988 pour le texte/1988 pour la traduction française)

Ce livre, tendre et cruel à la fois, oppose sans arrêt deux points de vue :

  • celui d'une petite fille qui essaie de grandir et de se faire entendre par les adultes qui l'entourent, mais ne trouve du réconfort que dans ses lectures qui lui permettent de s'évader, d'aiguiser son sens critique et de tenir tête aux adultes ;
  • et celui du narrateur, qui met en face de cette petite fille, des adultes sourds à ses appels, indifférents quant au sort des enfants,.voire incapables de les accepter, de les aimer.
Vraiment, je ne comprends pas pourquoi les petits mettent si longtemps à grandir. Ma parole, ils le font exprès pour m'embêter ! (...) Je n'ai jamais été petite ! aboya la directrice. J'ai toujours été grande et je ne vois pas pourquoi les autres sont incapables d'en faire autant.

De ce décalage naît, non pas une tragédie, mais un roman qui traite ce sujet avec drôlerie, en caricaturant à l'extrême ces adultes inattentifs, bêtes, et en donnant aux enfants le pouvoir de l'intelligence, de la modération, de la maturité.

Le livre commence par une réflexion du narrateur sur les parents :

Pères et mères sont gens bien curieux. Même lorsque leurs rejetons sont les pires des poissons imaginables, ils persistent à les trouver merveilleux. Certains parents vont plus loin : l'adoration les aveugle à tel point qu'ils arrivent à se persuader du génie de leur progéniture. Mais après tout, quel mal à cela ? Ainsi va le monde.

Et bin l'histoire de Matilda est tout l'inverse. Matilda grandit, en effet, auprès de parents, d'adultes, qui n'en ont que faire d'elle.

De loin en loin, il arrive qu'on rencontre des parents qui adoptent l'attitude opposée et ne manifestent pas le moindre intérêt pour leurs enfants. Ceux-là sont, à coup sûr, bien pires que les admirateurs béats. M. et Mme Verdebois appartenaient à cette espèce.

M. et Mme Verdebois sont les parents de Matilda. Son grand frère, Michael, s'en sort mieux : comme il est l'exacte copie de ses parents, comme il aime ce qu'ils aiment, comme il correspond exactement leurs attentes, il n'est pas dérangeant et est très bien accepté (supporté ?). Mais Matilda pose plein de questions auxquelles ses parents ne peuvent pas répondre. Matilda n'aime pas la télé et lui préfère les livres, passion qu'elle ne partage avec personne de la famille.

Ce que ça raconte, je veux pas le savoir, aboya M. Verdebois. De toute façon, j'en ai plein le dos, de tes bouquins. Trouve-toi donc quelque chose d'utile à faire, pour changer

Matilda désapprouve les pratiques frauduleuses de son père, marchand de voitures d'occasions. Elle se réfugie donc, en l'absence de ses parents, à la bibliothèque, et lit "ces livres vraiment bons que lisent les grandes personnes" : les Grandes Espérances, Nicholas Nickleby et Olivier Twist de Charles Dickens (note de Mar : tiens donc, un auteur où les parents, substituts parentaux, adultes, sont souvent défaillants), Jane Eyre de Charlotte Brontë, Orgueil et préjugé de Jane Austen, Tess d'Uberville de Thomas Hardy, Kim de Rudyard Kipling, L'homme invisible de H.G. Wells, Le vieil homme et la mer d'Ernest Hemingway, le Bruit et la Fureur de William Faulkner, les Raisins de la colère de John Steinbeck, les Bons Compagnons de J.B. Priestley, le Rocher de Brighton de Graham Green, la Ferme des animaux de George Orwell ... Toutes ces lectures aiguisent son sens critique, mais l'isolent chaque fois un peu plus des gens qui l'entourent :

Si seulement ils avaient un peu lu Dickens ou Kipling, ils auraient sans doute bientôt découvert que l'existence ne se bornait pas à escroquer ses semblables et à regarder la télévision. Sans compter que Matilda en avait assez d'être constamment traitée d'idiote et d'ignorante alors qu'elle savait très bien que ce n'était pas vrai.

 

Les livres la transportaient dans des univers inconnus et lui faisaient rencontrer des personnages hors du commun qui menaient des vies exaltantes (...) Ainsi assise au pied de son lit, dans sa petite chambre d'un village anglais, visita-t-elle de long en large et de haut en bas le vaste monde.

(Note de Mar : est-ce l'effet que Matilda recherche par la lecture, ou est-ce l'ambition de l'auteur quant à ses créations ?)

Un adulte semble cependant s'intéresser à elle : Mme Folyot, la bibliothécaire qui l'oriente dans ses lectures et avec qui elle parle des livres et auteurs qui lui ont plus :

- M. Hemingway dit des tas de choses que je ne comprends pas, lui expliqua Matilda. Surtout sur les hommes et les femmes. Mais j'ai beaucoup aimé son livre quand même. Avec sa façon de raconter les choses, j'ai l'impression d'être là, sur place, et de les voir arriver.

- Un bon écrivain te fera toujours cet effet, dit Mme Folyot. Et ne t'inquiète donc pas de ce qui t'échappe. Lis tranquillement et laisse les mots te bercer comme une musique.

Mme Folyot semble vraiment impressionnée par cette enfant. Mais malgré l'intérêt que suscite chez elle l'enfant prodige, elle "savait rester discrète et avait depuis longtemps découvert qu'il était rarement bon d'intervenir dans la vie des enfant des autres." Savoir donc que Matilda, à 4 ans, restait seule chez elle, sans surveillance, savoir qu'elle rentrait seule en sortant de la bibliothèque, l'inquiétait ... "mais elle résolut de ne pas s'en mêler".

Voilà comment, bon vent, mauvais vent, Matilda grandit, seule.

"Matilda aurait sincèrement voulu que ses parents fussent bons, affectueux, compréhensifs, honnêtes et intelligents. Qu'ils ne possèdent aucune de ces qualités, il fallait bien qu'elle s'y résigne, mais ce n'était pas de gaieté de cœur."

"-Cite-m'en un [livre] qui t'a vraiment plu.

- L'île au trésor, dit Matilda. Je crois que M. Stevenson est un très bon écrivain, mais il a un défaut. Il n'y a pas de passages drôles dans son livre.

- Peut-être bien, dit Mle Candy.

- Il n'y en a pas non plus beaucoup chez M. Tolkien, dit Matilda.

- Crois-tu qu'il devrait y avoir des moments drôles dans tous les livres d'enfants ? demanda Mle Candy.

- Oui, répondit Matilda. Les enfants ne sont pas aussi sérieux que les grandes personnes et ils aiment rire [Note de Marine : en même temps, elle trouve M. Pickwick de Charles Dickens très drôle]"

"Cependant Mlle Candy avait pris une autre décision : elle avait résolu d'aller trouver les parents de Matilda et d'avoir avec eux un entretien confidentiel. Elle n'admettait pas de laisser se poursuivre ainsi une situation aussi ridicule. Et puis, elle ne se résignait pas à croire les parents de Matilda totalement indifférents aux talents remarquables de leur fille. Après tout, M. Verdebois était un négociant prospère et, donc, il devait posséder un minimum de bon-sens. De plus, il est bien connu que les parents ne sous-estiment jamais les capacités de leurs enfants. Bien au contraire. A un point tel qu'il est souvent impossible à un professeur de convaincre un père ou une mère, débordants de fierté, que leur marmot bien-aimé est un parfait crétin. Forte de ces principes, Mlle Candy avait la conviction qu'elle persuaderait sans peine M. et Mme Verdebois des remarquables mérites de leur fille. Le seul problème consisterait peut-être à endiguer leur excès d'enthousiasme."

"Matilda aussi commençait à voir rouge. Etre accusée d'un méfait qu'elle avait effectivement commis ne la choquait nullement. Ce n'était après tout que justice. Mais se voir chargée d'un crime dont elle était parfaitement innocente était pour elle une expérience aussi nouvelle qu'inacceptable."

"Mlle Candy considérait toujours l'enfant, plongée dans un étonnement sans bornes, comme si elle assistait à la Création, au commencement du monde, au premier matin de l'univers."

"-Je veux vivre ici avec vous, cria Matilda. Je vous en prie, gardez-moi près de vous !

- Je ne demande pas mieux, mais je crains que ce ne soit impossible. Tu ne peux pas quitter tes parents simplement parce que tu en as envie. Ils ont le droit de t'emmener avec eux.

- Mais s'ils étaient d'accord ? s'écria Matilda d'un ton pressant. S'ils disaient oui ... que je peux rester avec vous ? Alors vous me garderiez près de vous ?

- Bien sûr, dit doucement Mlle Candy. Ce serait le paradis.

- Vous savez, je coirs que c'est possible ! s'écria Matilda. Sincèrement, je pense qu'ils accepteraient. Ils se fichent pas mal de moi !"

Et elle ne se trompait pas ... "Celle-là, lui dit sa femme, faudra la mettre sur le siège arrière. Y a plus de place dans le coffre. (...) Pourquoi qu'on la laisserait pas aller si c'est ça qu'elle veut ? Ca fera toujours un souci de moins."

"Michael fit un vague salut de la main par la lunette arrière, mais les deux autres occupants de la voiture ne se retournèrent même pas."

 

Couverture "Le BGG"

Le Bon Gros Géant, éd. Gallimard, coll. Folio Junior, 1997 (1982 pour le texte original/1984 pour la trad. française)

C'est un bon gros géant, parmi tous les géants, qui sont méchants, eux, qui va aider Sophie, une petite fille orpheline, à empêcher que ceux-ci se nourrissent de gens, tout en lui donnant une leçon sur le genre humain, seule espèce sur Terre à s'entre-tuer.

Se présente comme une oeuvre de théatre, avec, pour introduire le roman, l'énumération des personnages :

LES HUMAINS :

  • LA REINE D'ANGLETERRE
  • MARY, la servante de la reine
  • M. TIBBS, le maîtr d'hôtel du palais
  • LE CHEF D'ETAT-MAJOR DE L'ARMEE DE TERRE
  • LE CHEF D'ETAT-MAJOR DE L'AVIATION
  • Et bien sûr, SOPHIE, orpheline

LES GEANTS :

  • L'AVALEUR DE CHAIR FRAICHE
  • LE CROQUEUR D'OS
  • L'ETOUFFE-CHRETIEN
  • LE MACHEUR D'ENFANTS
  • L'EMPIFFREUR DE VIANDE
  • LE GOBEUR DE GESIERS
  • L'ECRABOUILLEUR DE DONZELLES
  • LE BUVEUR DE SANG
  • LE GARCON BOUCHER
  • Et bien sûr, LE BGG

http://jeunet.univ-lille3.fr/auteurs/dahl98/fr_dahl.htm

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